Votre syndrome de l’imposteur et vous. Une lubie du développement personnel?
Vous en avez assez de toujours vous améliorer? Le syndrome de l’imposteur est votre deuxième prénom? Et le développement personnel, votre façon de remédier à tout ce qui ne se déroule pas comme vous le souhaitez? Respirez le temps d’une pause. Et si le trésor résidait dans qui on est et non pas qui on aimerait être? Dans ce cas, toute cette amélioration de soi ne serait que la cerise sur le gâteau.
L’autre jour, je me suis lancée dans une expérience de biohacking. Fascinée par l’idée d’un cerveau en pleine forme, j’ai téléchargé une application sur mon téléphone pour faire de l’entraînement N-back — en langage biohacking, c’est de l’entraînement cérébral. Il s’agit de jeux de rappel de lettres, de chiffres et de sons qui deviennent de plus en plus difficiles. Des études en Suisse et en Allemagne ont démontré que ce type de jeu peut augmenter la fonction exécutive, ce qui nous permet de planifier et de nous concentrer. Super.
Le fait est que dès que j’ai démarré l’application, le téléphone a failli glisser de mes mains moites. Le stress n’a cessé d’augmenter et au moment où je devais trouver des mots sur une grille de lettres, j’ai paniqué, le regard vide devant l’écran. Le blanc total.
Et là, le poids de l’insuffisance totale m’est tombé dessus. Mon estime de moi a chuté à zéro. J’étais sûre que mon cerveau se calcifiait avec l’âge. Et quand j’ai vu que j’avais fait un score de 3% seulement, un refrain a résonné dans mes oreilles: «Maintenant, tout le monde va savoir la vérité.»
Attendez. C’est quoi ce b*%?$!? Jamais de ma vie je n’ai douté de ma capacité à penser. Même pendant les épisodes les plus intenses de brouillard cérébral dus à une consommation excessive d’aliments inflammatoires, les neurones se déclenchent toujours très bien. Après une analyse plus approfondie, je me suis rendu compte que je réagissais à mon téléphone — je suis notoirement stressée par les appareils. Et les exercices étaient en français — pas ma langue maternelle. Encore quelques essais et j’atteignais le score de 98%. Ouf. Bon, sur certains jeux, ce n’est pas encore ça, et alors?
Un syndrome de l’imposteur classique
Ce qui m’a frappée, c’est la rapidité avec laquelle j’ai douté de moi. Je l’attribue au syndrome de l’imposteur — le redoutable sentiment de ne jamais être assez. Et ça m’a énervée. Le lendemain, une amie m’a appelée et m’a confié avoir encore du pain sur la planche, «devoir recommencer» à travailler sur elle-même. J’ai failli péter un plomb.
Quand est-ce que ça va s’arrêter? Quand allons-nous mettre fin à notre fixette sur ces améliorations permanentes et accepter qui nous sommes? Nous reconnaître pour nos qualités et aimer nos défauts afin qu’ils nous servent au lieu de nous faire obstruction?
Je n’ai rien contre le développement personnel. J’aime cela. Je l’ai fait toute ma vie. J’en ai fait mon métier. Mais que se passerait-il s’il ne s’agissait pas de réparer ce qui ne va pas, mais plutôt d’augmenter notre plaisir de vivre? Ou bien si on appliquait cette notion philosophique japonaise de wabi-sabi, trouver la beauté dans l’imperfection? Dans l’art du kintsugi, on peint les fissures en or pour en créer des objets d’art.
C’est un petit changement de perspective, avec d’énormes conséquences.
Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur?
Revenons au syndrome de l’imposteur. C’est quand, quelles que soient votre expérience ou vos références, vous pensez toujours ne pas savoir ce que tout le monde pense que vous savez. Vous pensez toujours que vous avez à vous améliorer. Cela implique de croire que vous faites semblant. Il affecte environ 70% des individus au moins une fois dans leur vie.
Le syndrome provoque des sentiments d’anxiété, de doute de soi et d’inquiétude. Il peut conduire à une préparation excessive (c’est moi) ou à la procrastination (euh… ouais, c’est moi aussi). Lorsque la tâche est terminée, nous, les imposteurs, pouvons ressentir un bref sentiment d’accomplissement, mais c’est surtout un soulagement, et nous ne prêtons aucune attention aux retours positifs. Tout succès vient d’un travail acharné ou de la chance, jamais d’une valeur intrinsèque. Et ainsi de suite, le succès croissant amplifiant les sentiments frauduleux et l’angoisse d’être exposé·e. Et on s’améliore encore et encore.
6 dimensions et 5 types du syndrome de l’imposteur
La Docteure Pauline Rose Clance a identifié le syndrome de l’imposteur en 1985. Elle l’a appelé, d’ailleurs, le phénomène de l’imposteur. Il y a six dimensions, et deux suffisent pour être un imposteur:
un cycle;
un besoin d'être spécial ou le meilleur;
des aspirations de superpouvoirs;
la peur de l’échec;
le déni de ses capacités;
la peur et la culpabilité face au succès.
Une autre chercheuse, Valerie Young, auteure de The Secret Thoughts of Successful Women: Why Capable People Suffer From the Impostor Syndrome and How to Thrive in Spite of It, a identifié cinq sous-groupes d’imposteurs:
le perfectionniste, qui est plus préoccupé par ce qui ne va pas que par ce qui va dans son propre travail;
le superhéros, un bourreau de travail qui croit que plus d’efforts sont toujours nécessaires;
le génie naturel, qui maîtrise rapidement de nouvelles compétences, sauf quand ce n’est pas le cas;
le soliste, qui ne demande jamais de l’aide;
l’expert, qui croit avoir besoin de tout savoir avant de pouvoir entreprendre quelque chose de nouveau.
Hmm. Dans combien de catégories tombez-vous?
Hypo-imposteur-chondrie?
À ce stade, je pense que la plupart des lecteurs ont identifié un certain imposteur en eux. Les pensées ont peut-être déjà pris leur envol, visant une autre auto-amélioration à faire. Une fois identifié comme un syndrome, il doit bien y avoir un moyen de le réparer.
Et c’est reparti.
Le problème pourrait-il venir du fait que dans le développement personnel, nous nous concentrons essentiellement sur ce qui ne va pas et sur la manière dont nous pouvons y remédier? Peut-être devons-nous changer de vocabulaire.
Et si chez moi, tout allait bien? Et si mon imposteur intérieur avait juste besoin d’un peu d’amour? Et si ensemble nous célébrions nos échecs et nous nous rappelions que la réaction des autres personnes n’a rien à voir avec nous et tout à voir avec elles? Je pourrais donc me recentrer sur mes objectifs. Je pourrais me passer de l’approbation extérieure. Et faire ce que j’ai à faire. Profiter du chemin sans me descendre à chaque pas. Voire avancer plus vite.
Et si tout ce que nous devions faire était d’accepter à quel point nous, les humains, sommes contradictoires? Parfois, nous sommes les meilleurs. Parfois, nous ne le sommes pas. Ce n’est pas un problème à résoudre. C’est un trait à assumer.
Tout est dans le jeu d’esprit. C’est là que nous avons besoin d’un changement de paradigme. Le développement personnel ne consiste pas à se réparer, mais à s’épanouir.
4 étapes pour se faire copain avec son imposteur intérieur
Faire une pause. Commencer par en prendre conscience.
Cultiver l’autocompassion. Accueillir qui on est, en entier.
Jouer avec d’autres perspectives. Recadrer les échecs et, pourquoi pas, les réussites.
Créer un système pour se rappeler régulièrement sa valeur intrinsèque.